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Almanach 1893

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Toute l’histoire de Coursan en Othe, depuis ses origines jusqu’à la fin du 19ème siècle, écrite en 1893 dans l’Annuaire de l’Aube, y consacrant ainsi 26 pages et la couverture, par M. Louis LE CLERT, conservateur archéologique du musée de Troyes de l’époque:

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COURSAN

PAR

M. LOUIS LE CLERT

CORRESPONDANT DU MINISTERE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

MEMBRE RÉSIDANT ET ARCHIVISTE DE LA SOCIETÉ ACADEMIQUE DE L’AUBE

CONSERVATEUR DE I’ARCHEOLOGIE AU MUSÉE DE TROYES

I. Le Village.

Coursan1 est une commune du département de l’aube et une paroisse du diocèse de Troyes. Elle est située à 11 kilomètres d’Ervy‑le‑Châtel, son chef-lieu de canton, et à 37 kilomètres de Troyes, son chef-lieu d’arrondissement.

1 La vue de l’ancien château de Coursan, placée en tête de cette notice, est due au crayon habile de M. D. Noyer, directeur de l’Ecole de dessin de la ville de Troyes, et membre résidant de fa Société Académique de l’Aube. Elle est, pour ainsi dire, la traduction artistique d’un croquis très sommaire tracé à la plume par Joachim Duviert clans les premières années da XVIIè siècle, et dont nous devons la connaissance à notre dévoué collègue à la Société Académique, M. Albert Babeau, qui a bien voulu en crayonner un fac‑similé et nous l’envoyer. Ce croquis fait partie d’un recueil conservé au cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale sous la cote Vx 23.

II y a dans l’église de Coursan sur le mur du bas-côté nord entre deux étroites fenêtres, une peinture sur bois ayant servi de retable et encore placée dans son cadre primitif, qui est surmonté d’une frise en bois découpé dans le
style du XVIè siècle. Celle peinture, oeuvre des plus médiocres, représente
St. Roch entre St. Jean-Baptiste et St. Jean l’Evangéliste. Ils sont debout au
milieu d’un paysage. A gauche de St. Roch, l’artiste a placé un château‑fort que
les habitants du village considèrent. d’après la tradition, comme étant l’image
de l’ancien château de Coursan. Ils ont pleinement raison. car la simi­-litude la plus grande existe entre le croquis du château de Coursan donné
par Duviert et la vue du même château qui se trouve sur le retable en question.
Ce qui corrobore encore notire appréciation. c’est que de l’autre côté de St Roch,
le peintre a placé une église entièrement semblable à celle de Coursan, dont il

A bien certainement voulu reproduire l’image.


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D’après le dernier recensement, la population de cette com-mune était de 235 habitants ; en 1835 elle en comptait 375, et en 1783 le nombre des contribuables était de 380. Ces chiffres sont éloquents et montrent que dans cette localité, comme dans la plus grande partie de villages de notre dépar-tement la dépopulation marche malheureusement à grands pas.

Situé sur le versant méridional des hauteurs du pays d’Othe, arrosé par les eaux vives et abondantes de plusieurs fontaines, ayant à sa proximité une immense prairie et une grande forêt, le finage de Coursan semble ne rien laisser à désirer au point de vue agricole ; aussi, les produits de ce village sont‑ils appré-ciés sur les marchés voisins et ses fromages surtout sont bien connus des amateurs.

D’après la forme la plus ancienne du nom de Coursan qui nous soit connue (cursiacum) 1 et que l’on peut traduire par : Domaine de Curtius, il est permis de croire que cet endroit était déjà habité lors des premiers temps de l’occupation Romaine sous le règne d’Auguste, à l’époque où son grand ministre, Agrippa fit dresser une sorte de cadastre des Gaules. La présence, sur le territoire de Coursan, d’un cimetière antique découvert dans la contrée du Moulin‑à‑Vent et la trouvaille qui a été faite, dans Ie lieu dit Les Ecornées, d’un certain nombre de tuiles romaines, semblent confirmer cette opinion 2. (Ces deux contrées font partie de la section B du cadastre.)

Dans le lieu dit Fontenay, section C du cadastre, il y a une fontaine près de laquelle on rencontre journellement des débris de constructions. Cet emplacement est évidemment celui d’un ancien alleu remontant au Ve ou au VIe siècle. Le partage de la seigneurie de Coursan fait en 1587, nous four­-

1 coursan est mentionné dans un traité passé, en 1146 entre les moines de Pontigny et les chanoines de Dilo au sujet des limites de leurs pâturages – cartulaire général de l’Yonne, t. 1er, p. 411
2 D’Arbois de Jubainville : répert. archéol. de I’Aube


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nit une précieuse indication à ce sujet; il y est fait mention
d’un arpent de saules ou saucis « à prendre auprès de la
Fontaine‑aux‑Roises sur la chaussée de létang, à l’environ
des étangs et motes de Fontenay1. » 011,

Avant la Révolution de 1789, Coursan faisait partie du gouvernement et de la généralité de l’Ile‑de‑France, de l’élec-tion de Saint‑Florentin et du diocèse de Sens.

Sous le régime féodal, la terre et seigneurie de Coursan fut le siège d’une châtellenie relevant du vicomté de Saint-Florentin, dont elle était mouvante de plein fief et lige.

Cette châtellenie comprenait dans soit ressort les villages et hameaux d’Aubelin, l’Autre‑Monde, Chambeton, Champ‑Gon-thier, Chassepot., Coursan, la Maison‑de‑la‑Haye, les Marots, Montanpain, ,le Moulin‑Carré, le Moulin‑Drouot (ou Moulin-Drouart), le Moulin‑Guélaut, le Moulin‑Rouault (ou Gué-Boullay) Nicarte et Racines.

La seigneurie de Coursan, dont les propriétaires portaient le titre de barons, consistait en droits de justice haute, moyenne et basse, droit de châtellenie et de ressort; et droit de tabellionnage et. de scel; elle possédait, en outre, des droits
de cens, rentes et coutumes portant, lorsqu’il y avait lieu, profits de lods, ventes, défauts et amendes ; droit de four banal,
droit de moulin banal, droit de pressoir banal.

En 1587, la ferme des exploits, défauts et amendes, affermée au bailli de Coursan, rapportait annuellement 150 livres au seigneur ; la ferme du greffe du bailliage donnait, année commune, 50 à 60 livres ; la ferme du gerbage des personnes du bailliage produisait en moyenne, par année, deux écus sol, etc…2

Le seigneur de Coursan avait aussi le droit de percevoir une partie des dîmes de ce village, et un tiers dans un quart des dîmes de Villeneuve‑au‑Chemin. Il possédait des prés à Racines, des étangs, un colombier seigneurial rapportant

1 Arch. Départ. de l’Aube, E. 227.
2 Ibid.


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annuellement 100 livres, des garennes contenant 100 arpents, des terres labourables d’une grande étendue et le château ou maison‑forte avec sa basse‑cour et ses dépendances.

Les fiefs mouvants du château de Coursan étaient :

La seigneurie de Lasson 1, possédée en 1689 par la dame Dufresnoy.

Un fief à Lasson, appartenant en 1689 à Pierre Chaulme, procureur à Paris et, précédemment, à Pierre des coudroies2.

Le fief de Saint‑Michel, grande contrée de vines assise à Neuvy et appartenant aux habitants.

Le fief de Couleton paroisse d’Auxon (nommé aussi courlon et Courtelon). Parmi ses possesseurs on trouve, en 1558, Jean Girardin, prêtre, demeurant à Ervy, et son beau-frère Pierre Chassier, demeurant à Auxerre, époux de Jeanne Girardin. Ils ne tenaient que la moitié du fief: l’autre moitié appartenait à Pierre Semine, écuyer, demeurant à Ervy 3. ‑ En 1789,
M. Baillot de Courtelon, prêtre et père de l’Oratoire de Paris 4.

Le fief de la Motte‑des‑Près-Brifaux, sur le finage de Racines. ‑Seigneurs, en 1558, Guillaume Palleron, Jacques Saude-Iesse et Pierre Belin. ‑ En 1789, M. Baillot père, avocat à
Ervy 5.

Le fief de Champ‑Aubert, ou Changobert, sis à Coursan. – En 1553, le seigneur est Pierre Pithou. Le fief peut valoir
7 livres 10 sous tournois par an 6. ‑ En 1689, les seigneurs sont : M. de Villegagnon et M. de Montandre 7.

Le fief de la Motte‑Marcaire (Macaire ou Marguerin), assis à Racines. II eut les mêmes possesseurs que le fief de la Motte‑des‑Prés.

1 Arch. dép. de l’Aube, B. 167, regist.
2 ibid.
3 Mém. De la société Acad. de l’Aube, 1890.
4 Arch. départ. de l’Aube, E. 227.
5 Ibid.
6Arch. municip. de Troyes. A A. 42e carton.
7Arch. départ. de l’Aube, B. 167, regist.


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Le fief de Fircambault, ‑ Seigneurs, en 1689, le sieur Périgoire pour un tiers, et la dame de Perreux pour le reste 1.

Le fief des Eglans, à Racines, appartenant à un grand nombre d’habitants de Racines.

Le fief du Petit‑coursan, assis à Sautour. (II consiste en un bout de rue du tillage de Neuvy). Appartenant primitivement à la maison de Bruillart, il fut vendu, pour un prix de 400 écus, avant l’innée 1587., au sieur de Sautour, par Claude
du Breuil, veuve de Gabriel de Bruillart 2.

Le fief de la Moite-Picard, assis à Racines. En 1789, quatre habitants en jouissent. M. Baillot, avocat paie au roi tous les ans une certaine somme et perçoit les revenus du fief 3.

Le fief de la Haute‑Rive, sis à Racines 4.

Le fief de la Foire de Racines. En 1683, il appartient au seigneur de Coursan.

Le fief de Butaux, sis à Butaux 5.

Le fief de Mailly, sis à Cheu 6.

Le fief d’Ormoy 7.

Le fief des Rouages et Étalages de Saint‑Florentin 8.

II. Les Seigneurs de Coursan.

En 1230, Coursan appartenait à Henri V, comte de Grandpré, et à Guy de Dampierre. A cette date, Thibaut, comte de Champagne, leur donne en augmentation de fief la

1 Arch. dép. de l’Aube, B. 167, regist. .
2 Ibid., E. 227. _.
3 Ibid.
4 Ibid., B 167 regist.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Ibid.


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gruerie des bois qu’il possède dans la forêt d’Othe et sur le territoire de Coursan 1.

• En 1263, Thibaut V, comte de Champagne, ayant acheté Coursan de Guy de Dampierre, le donne en apanage à son frère puiné, Henri, en même temps que le comté de Rosnay et que tout ce qu’il possédait à Arrentières et dans les chattel-lenies de Vassv, Soulaines et Ervy 2. A son avènement en
1270, Henri III réunit toutes ces terres au comté de Cham-pagne. Plus tard, elles furent comprises au nombre des biens de la couronne par suite du mariage, en 1284. de Jeanne de Navarre, fille et héritière d’Henri III, Comte de Champagne, avec Philippe de France, proclamé roi en 1285.

Au commencement du siècle suivant, la châtellenie de Coursan parait avoir été inféodée. Eudes, sire de Vaucemain, marié en 1316 à demoiselle Alix d’Ulenoy, porte à cette époque le titre de seigneur de Coursan 3.

Cet Eudes avait pour mère la fille de Pierre de Jaucourt, pannetier de Champagne 4.

En 1382, Gaucher de Bruillart 5, chevalier, époux de
Jehanne de Courtenay était seigneur de Coursan 6. Avant 1376, il possédait la grange de Beton et 70 arpents de terres sur les finages de Prugny, Torvilliers, Lépine et Laines‑aux-Bois. II les avait cédés à Michel de Dampimart, et les héritières de ce dernier, a la date sus‑indiquée, les vendirent à Pierre
de Villiers, évêque de Troyes, qui en fit don à l’Hôtel‑Dieu-le‑Comte de, cette ville 7.

1 D’Arbois de Jubainville : Histoire des Comtes de Champagne, Preuves, nos 1979, 1979 bis.
2 lbid., nos 3170, 3326.
3 A. Duchêne, XXII.
4 Bullet, de la Société ries Sciences hist. et oral. de l’Yonne année 1818, p. 76.
5 on trouve ce nom écrit : Du Bruillart, du Brouillart, du Brouillat, du Brullat.
6 P. Anselme, I, 509, et Du Bouchet : Généal. de Courtenay.
7 Arch. départ. de l’Aube, A 1, 499.


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Ce Gaucher du Bruillart descendait‑il d’un cadet de la maison de Vaucemain, qui aurait pris les armoiries de sa mère ou de son aïeule appartenant a la famille de Jaucourt ? Cette hypothèse n’a rien d’invraisemblable, et il ne serait pas le premier qui ait agi de cette sorte. Les armoiries des de Bruillart ne diffèrent de celles des Jaucourt que par les émaux. En 1292 Perinez, sire de Jaucourt, portait sur son sceau deux léopards passants, l’un sur l’autre 1. Les seigneurs de Dinteville (branche cadette de la maison de Jaucourt) avaient pour armes : de sable, à deux léopards d’or passants, l’un sur l’autre. Enfin, les de Bruillart seigneurs de Coursan, eurent pour armoiries : un champ d’argent chargé de deux léopards de gueules passants, l’un sur l’autre. Il est vrai, qu’eu 1263, Jean, seigneur d’Arcis‑sur‑Aube, portait sur son sceau les deux léopards passants, l’un sur l’autre 2, et que Gaucher du Bruillart peut aussi bien, si l’on en juge par les armoiries, être descendu des seigneurs d’Arcis que des seigneurs de Jaucourt. C’est un point sur lequel nous ne saurions nous prononcer, car, malgré les recherches les plus laborieuses, nous n’avons pu rencontrer une généalogie de la famille du Bruillart; nous avons trouvé seulement quelques documents épars sur cette Maison dans le P. Anselme et
dans d’autres auteurs, que nous citerons dans le cours de cette notice.

Vers l’an 1390 Jean de Bruillart, peut-être fils de Gaucher, était seigneur de Coursan, Sommeval et Vaussemain, ainsi que nous l’apprend un dénombrement présenté à cette date par Jehanne de Bricons, dame de Saint‑Sépulcre, veuve de Gaucher de Saint-Sépulcre, chevalier. Elle tenait alors en fief du dit Jean de Bruillart, des terres sises à Coursan 3.

Un registre de compte, de l’abbaye de Notre‑Dame‑aux-

1 Arch. dép. de l’Aube, 6, II. 8.
2 Ibid., G. 2621.
3 Ibid., E. 152, regist. f° 161, r°.


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Nonnains de Troyes, daté de septembre 1395, estropie le
nom du seigneur de Coursan ; il l’appelle Maillart 1.

Par suite d’une donation, l’abbaye de Notre‑Dame de
Troyes prélevait un tiers dans les dîmes de Coursan que le seigneur de ce lieu avait le droit de percevoir de trois ans en trois ans.

Jean de Bruillart ne vivait plus en 1411 car, à cette
époque, sa femme, Marguerite Du Four, était tutrice de ses enfants mineurs.

En 1421, Gaucher II du Bruillart, seigneur de Coursan, probablement fils ou frère de Jean de Bruillart, était gendre de Simon Forni, bailli de Troyes et locataire de la maison
des Lorgnes, en la rue des Lorgnes (aujourd’hui rue Char-bonnet) 2.

Son successeur en la seigneurie de Coursan fut Claude de Bruillart, écuyer, seigneur de Saint‑Cyr‑les‑Colons (Yonne), époux d’Isabelle d’Asnel, vivant en 1469 3. Ce même Claude de Bruillart et son fils Gaucher, seigneurs de deux tiers de la terre de Jaulges, transigent sur procès, en 1481 avec les religieux de Pontigny, et ils renoncent à exercer le retrait lignager sur partie de la terre de Vergigny, récemment achetée par le monastère 4.

L’année suivante, Claude de Bruillart ne vivait plus, et,
le 23 octobre, il était procédé à l’inventaire de ses biens meubles, à la requête de sa veuve, Marie de Boucart (qu’il avait épousée en secondes noces), de son fils, Gaucher du Bruillart, son héritier, et de Jacques Goraust, bailli de

1 « Pour dépens fois par le dit gouverneur chargé d’affaires de l’abbaye) et
« son clerc, le dimanche XIIIè jour du mois de février en allant à Coursan‑lèz‑
 « la‑Ville‑Neuve‑au‑Chemin pour savoir à Maillart, seigneur du dit Coursan, la
 « cause pour quoi il ne délivrait les XVIII sextiers seigneur bref que l’église de
« Notre‑Dame prant toutes fois et quantes fois le dit seigneur les lève. »
« Arch. de l’Aube, 22. 11. 00, regist., fo 23.
2 Ibid., G. 1561, regist., f° 287, r°.
3 Arch. dép. de l’Yonne, II. 1177.
4 Ibid., II. 1477.


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Coursan, en présence de Jehan Drouot et de Pierre Duflot, clercs, notaires à Coursan 1.

L’inventaire des Archives de l’Yonne 2 mentionne un Jean de Bruillart, seigneur de coursan, de Saint‑Cyr‑les‑Colons
et Vaugermain (paroisse de Saint‑Cyr,), mort avant l’année 1520, et dont les biens auraient été confisqués. Peut-être
était‑il fils de Claude de Bruillart ?

En 1516‑1517 ce même Jean de Bruillart avait affermé à prix d’argent le tiers des dîmes de Coursan, auquel avait droit
l’abbaye de Notre‑Dame‑aux‑Nonnains de Troyes 3.

Gaucher III de Bruillart, fils de Claude, épousa Jeanne de Potard, dont il eut : Gabriel, qui suit; Gauchère, religieuse à l’abbaye de Notre‑Dame‑aux‑Nonnains, Puis femme de Galas de Chaumont seigneur de Rigny‑le‑Ferron (fils de Guillaume de Chaumont, seigneur de Rigny, Chacenay et Eguilly, et de Marguerite d’Anglure, dame de Conantes), dont elle était veuve avant 1543 ; Renée ou Reine, mariée à M. de Fontaine, écuyer, seigneur de la Brosse, mort avant 1558 4. (En 1551, Philibert de Damas et Christophe de Villemor, gendres de Claude de Fontaine et de Renée de Bruillart, étaient seigneurs de Saint‑Cyr‑les‑Colons, en Partie 5); Marie, femme de Guil-laume de Verges, écuyer, et Marguerite, mariée à François Léger, écuyer 6.

Le 5 juin 1494, Gaucher III de Bruillard fournit un
dénombrement de la terre de Coursan 7. Il en fournit un
autre pour la même terre, en 1503, et mourut, semble‑t‑il,
dans le cours clé l’année 1525.

1 Arch. départ. de l’Aube, E. 227. e
2 Série H. 1177.
3 Arch. de l’Aube, 27 H. 146, regist.
4 mém. Société Acad. de l’Aube, 1890, et Arch. de l’Aube, A 1. 302.
5 Arch. Départ. de l’Yonne, H. 1177.
6 Arch. départ. de l’Aube, E. 227.
7 Ibid.


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Gabriel 1er de Bruillart, fils de Gaucher III, seigneur de Coursan, Racines, Champion (commune de Racines), Jaulges (Yonne), Planoy (en Brie), et des fiefs de Lasson, Motte‑des‑
Prés et Prés‑au‑Roi, commença, en 1542, un procès contre
la succession de l’un de ses débiteurs, noble homme Estienne Desréaulx, prévôt de l’hôtel du Roi, affaire qui ne fut terminée qu’en 1550, par suite d’une transaction.

Le 30 ,juillet 1549, Gabriel de Bruillart obtint de Charles de Cullart, mandataire et procureur de Charles de Luxem-bourg, une lettre de souffrance lui permettant d’attendre, pour faire les foi et hommage des terres mouvantes de Luxembourg, jusqu’à la seconde proclamation et convo-
cation des vassaulx 1.

En 1562, le 25 mai, Jacques de Clèves, marquis d’Isle, comte de Beaufort, vicomte de Saint‑Florentin, délivre au sieur du Bruillart des lettres de réception de foi et hommage pour les parts des seigneuries de Coursan et Jaulges, que ce dernier avait achetées de Régnée du Bruillart, sa sœur, et
des seigneurs de Sigy, héritiers de Gauchère du Bruillart,
son autre sœur.

Gabriel Ier ne vivait plus en 1566. Il s’était marié deux fois. De sa première femme, dont le nom nous est inconnu, il
eut une fille, Anne, morte avant 1587. Sa seconde femme, Claude du Breul, fut mère de Gabriel II; de Jacques; de Gabrielle, femme de Nicolas de Boucher, encuyer, sieur de Nully ; de Jacqueline, d’Henriette et de Claude.

En 1558, Charles du Croc, chevalier, seigneur de Mai-sonneuve, était seigneur de Coursan en partie, peut‑être comme mari de l’une des sœurs de Gabriel Ier de Bruillart.

A la mort de son mari, en 1566, demoiselle Claude du Breul, tutrice de ses enfants mineurs, fit dresser un inventaire des biens meubles étant au château de Coursan 2. Nous donnerons plus loin un extrait de cette pièce. Vingt‑et‑un

1 Arch. départ. de l’Aube, C. 227.
2 Ibid.


– 83 –

ans après, les héritiers de Gabriel Ier de Bruillart étaient en procès, au sujet du partage de ses biens et de ceux de feue leur sœur germaine, Anne de Bruillard.

Aucun document ne nous a renseigné sur l’époque à laquelle mourut Gabriel II de Bruillart.

D’après les actes de baptêmes, mariages et inhumations de la paroisse de Coursan, dont un extrait nous a été obli-geamment envoyé par M. Jacotin, actuellement curé de cette paroisse, Jacques de Bruillart, frère de Gabriel II, possédait en 1599 la terre et seigneurie de Coursan. Il était marié à Charlotte de Damas, fille de Léonard, seigneur de Thianges, de Fleury, de la Tour, du Deffend et de Vaulx de Chizeuil et de demoiselle Claudine d’Orge, clame du Deffend 1. En cette même année, le 8 mars, il fut procédé au baptême de son second fils, Claude. D’après ces mènes actes, il eut encore plusieurs enfants qui furent baptisés, savoir : François, le
3 août 1600; Charles, le 21 juin 1601; Gabriel, le 5 octo-
bre 1603 ; Jacques, le 15 août 1605 ; Eléonore, le 10 octo-
bre 1610. (Cette dernière épousa, le 4 juin 1635, Louis Gouffier, comte de Caravas, mort en 1650. Le 29 octobre 1656, elle prit pour second mari Antoine de Mailly, seigneur de Fiettes, de Bonneville, de Monstrelet et de Fienvilliers. Elle mourut en mars 1684 2.)

Dans le manuscrit n° 358 de la Bibliothèque de Troyes, Pierre de Monspoil est mentionné comme étant, en 1616, seigneur de Coursan et de la garenne d’Aulnay en partie. Il
est présumable qu’il avait épousé une des Filles de Gabriel ler de Bruillart.

En 1624, le 21 octobre, eut lieu la signature du contrat
de mariage de « Messire Edme du Brouillat, seigneur baron « de Coursan, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi,
« faisant sa demeure la plus ordinaire à la cour et suite de
« Sa Majesté, fils aîné de hault et puissant seigneur

1 P. Anselme, VIII, p. 317 A, et 324 C.
2 Ibid, V, p. 613 E.


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« messire Jaques du Brouillat, chevalier gentilhomme ordi-« naire de la chambre du Roi, baron de Coursan, Racines, « Champton, Saint‑Cyr, etc…, et de dame Charlotte de « Damas, son épouse, demeurant à Coursan, avec demoi-
« selle Louise Hue de Courson, fille de Messire Charles Hue, « chevalier, seigneur baron de Courson, de la Courligny,
« etc. . ., conseiller du Roi en conseil d’État et privé, et de « dame Françoise Myron, son épouse. »

Parmi les témoins figurent, du côté du marié, Philibert
de la Verne, écuyer, sieur de Vanneville, cousin, et demoi-
selle Chartier, son épouse ; Claude de la Verne, leur fils.

Du côté de la mariée, François Hue, écuyer, baron de Courson, son frère ; dame Marie Myron, comtesse douairière de Caravas, tante, veuve de Claude Gouffier de Baissy, chevalier, comte de Caravas ; Charles Myron, évêque d’Angers, cousin ; Trajan de la Coussaye, chevalier, sieur
de Cierzay et de la Porte, conseiller du Roi, président en la chambre des comptes de Bretagne, oncle ; Claude de
La Fond, femme d’Antoine de Valboc, écuyer, sieur de
Rimay, capitaine exempt des gardes du corps du Roi ; François Jantien, écuyer, sieur du Fau, et noble homme Réné Pelletier, secrétaire de la chambre du Roi 1.

Le 5 janvier 1627 naquit à Coursan, Louis‑François, fils d’Edme de Bruillart et de Louise de Courson. Il fut baptisé dans le même endroit, le 2 mai suivant, par Mgr Charles Myron, archevèque‑comte de Lyon, primat des Gaules. Le parrain fut Louis Gouffier, de Baissy, comte de Caravas, protonotaire apostolique, et la marraine, demoiselle Françoise de Choiseul, fille du maréchal de Choiseul, lieutenant pour le Roi en Champagne et Brie. Assistaient à la cérémonie :
Jacques de Bruillart et Charlotte de Damas, grand‑père et grand’mère ; Claude de Bruillart, prieur du prieuré et grand-vicaire de l’abbaye de Moustier‑Saint‑Jean, etc. . . 2

1 Arch. départ. de l’Aube, E. 227.
2 Actes de Coursan,


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Claude‑Eléonore du Bruillart, fille des mêmes seigneur et dame, fut baptisée à Coursan le 16 juillet 1635. Elle eut pour parrain, son oncle, Claude de Bruillart, et pour marraine, sa tante, Eléonore de Bruillart. Cette Claude‑Eléonore épousa Henri Largentier , comte de Chappelaines, seigneur de Chamoy, bailly de Troyes, mort avant 1661 1.

Le nom et les armes de cette dame figurent, avec celles de son mari, sur une cloche de l’église de Chamoy dont elle fut marraine avec Georges de Vaudrey, seigneur de Saint‑Phal,
en 1666.

Jacques de Bruillart mourut en 1631, le 17 août, à l’âge de soixante‑douze ans. Dix ans après, sa femme Charlotte de Damas, le rejoignit dans la tombe. L’année précédente, le
25 mars 1630, elle avait eu la douleur de perdre sa bru, Louise de Courson, morte à l’âge de trente‑six ans…

Louis‑François de Bruillart, chevalier, gentilhomme de la chambre du Roi, baron de Coursan, seigneur de Racines et Saint‑Cyr‑les‑Colons, fut député de la noblesse en 1651 2.
En septembre 1658, il épousa Marguerite‑Marie Myron; il portait alors le titre de maréchal‑de‑camp. Edme de Bruillart mourut dans les premiers jours du mois suivant octobre 1658).

J. Loret (cité par M. Ch. Fichot dans la Stastistique monu‑
mentale de l’Aube,
article Coursan) mentionne ainsi cet

événement 3 :

Selon le bruit de la campagne,

Le premier baron de Champagne,

Assavoir Monsieur de Coursan,

De la Cour, toujours, partisan,

(Mais j’entends de Coursan, le Père),

Est décédé, depuis n’aguére,

Ayant jusqu’au dernier moment,

Vécu, toujours, Chrestiennement.

1 Arch. départ. de l’Aube, E. 789.
2 Arch. municip. de Troyes : invente Boutiot, 2° partie, f°,147.
3 La Muse historique (lettre 40° du 12octobre 1658 t° II. P.539-540.


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Ny ses vertus, ny sa constance,

Ny sa glorieuse Alliance

Avec maints Princes renommez,

Dans l’Europe très‑estimez,

Et tous gens‑d’honneur et de marque,

N’ont point empêché que la Parque,

Qui finit le sort le plus beau

Ne l’ait réduit dans le tombeau.

Son trépas a rendu chagrine

Toute la Noblesse voizine,

Qui n’a vu mourir, qu’à regret,

Un Gentil‑homme si discret.

Monsieur son fils, qui son Nom porte,

Généreux de la bonne sorte,

Homme d’Esprit et de douceur,

Son Héritier et Successeur,

Qui s’est marié cette année,

Avec une Dame, bien née,

Comme il est d’un bon naturel,

Est dans un deuil continuël

D’avoir perdu ce Père aimable,

Et n’est, presque, pas consolable.

Edme de Bruillart avait suivi la carrière des armés, et parmi ses nombreuses campagnes, on peut citer celle de Piémont,
qu’il fit à la suite du Roi, en 1630, ainsi que le constatent les actes de la paroisse de Coursan. Il fut inhumé dans l’église de ce village et sur sa sépulture on éleva un monument funèbre assez remarquable, dans le genre de ceux qui avaient été érigés dans la Cathédrale de Troyes au maréchal de Choiseul et à son fils Roger

Sur une large dalle de pierre fut mise la statue du baron
de Coursan représenté à genoux, en prière, revêtu de son
armure de guerre et la tète couverte d’une secrète 1. Sur le
prie‑dieu placé devant lui se trouvait un écu aux armes de la famille de Bruillart et la date 1658. Un petit lion au repos,
en pierre, symbole du courage et de la magnanimité du

1 Sorte de calotte d’acier fine les gentilshommes portaient sous leur casque
ou leur chapeau.


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guerrier inhumé en cet endroit, se trouvait placé sur chacun des angles de la dalle, du côté opposé à la muraille.

Notre honorable compatriote, M. Charles Fichot, a donné, dans sa remarquable et précieuse publication, la Statistique monumentale de l’Aube 1, un fort bon dessin des débris du tombeau d’Edme de Bruillart qui fut, pour ainsi dire, jeté hors de l’église lorsque, sans motif plausible, on l’enleva en
1840 pour le remplacer par un autel sans valeur artistique.

Au moment où nous écrivons ces lignes, la statue du premier baron de Champagne se dresse mutilée dans un coin du cimetière, au milieu des hautes herbes, le prie‑Dieu placé à l’entrée de l’église sert de bénitier, et les deux lions sur-montent les piles de portes placées à l’entrée du cimetière..

La description du rnonument d’Edme de Bruillart se trouve dans une notice sur Coursan, publiée dans l’Annuaire admi-nistratif d’Ervy pour l’année 1866 (p. 65), signée P. J. F.
Cette notice, oeuvre de haute fantaisie, semble être sortie de la plume d’un écrivain ayant beaucoup plus à cœur de se moquer des habitants de Coursan, que d’écrire l’histoire de leur village, et tout heureux de profiter de l’occasion pour traduire, d’une manière peu flatteuse pour ces mêmes habi-tants, la noble devise de leurs anciens seigneurs. Cet auteur raconte qu’au XVIe siècle un seigneur de Coursan nommé Phi-libert du Brouillard et une demoiselle Eléonore du Brouillard tenaient sur les fonts baptismaux tous les enfants du village, comme de temps immémorial l’avaient fait tous les membres de leur illustre famille. On peut bien admettre que les sei-gneurs de Coursan ont honoré un grand nombre de leurs concitoyens en tenant quelques‑uns de leurs enfants sur les
fonts baptismaux….. mais., tous ! c’est beaucoup dire.

Et ce Philibert, ou l’a‑t‑il rencontré ?

Le même du Brouillard, l’infatigable parrain, avait, paraît-
il, dans son château, deux lions apprivoisés, ses fidèles compagnons, qu’il emmenait à sa suite clans ses excursions

1 T.II, p. 49


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à travers la campagne, et ce sont ces mêmes lions, toujours d’après l’auteur de la notice en question, qui se trouvaient figurés de grandeur naturelle sur le tombeau de leur maître.

Si les deux lions de M. de Bruillart n’étaient pas plus grands que ceux qui se trouvent sur les piliers, à l’entrée du cimetière de Coursan, on comprend facilement comment ce gentilhomme pouvait impunément les emmener partout à sa suite.

Mais là n’est pas le beau de l’histoire ; voici qui est mieux.

A une date qu’il n’est pas facile de préciser (et pour cause), un parti de Huguenots vint menacer le village de Coursan du côté de Villeneuve‑au‑Chemin. M. de Bruillart, à la tète de
ses vassaux, avec ses deux lions, marche à sa rencontre ; mais à la vue de ces soldats, son armée prend la fuite.

« Resté seul avec ses deux lions, le baron de Coursan tient « bon, fait tête à l’ennemi et lui inspire une telle frayeur
« qu’il disparaît pour ne plus revenir. Peu de temps après,
« l’intrépide chevalier, pour stigmatiser la couardise de ses « paysans, fit placer dans une fenêtre de l’élise la traduction « épigrammatique de ces mots de l’écriture : DE VIRTUTE IN « VIRTUTEM. Au lieu de traduire : « En vertu cours sans cesse, » (voilez‑vous la face, habitants de Coursain) la légende dit :
« EN VERTU, COURSAN CESSE. » Franchement, l’auteur de la notice fait de M. de Bruillart un parrain bien sévère !

Louis‑François de Bruillart, seigneur et baron de Coursan, Racines, Champton, Courtaoult, Jardelay, etc… eut, en 1662, tin fils, Claude, et, en 1665, un second fils, François‑Eléonor, baptisé à Coursan le 20 février.

En 1674, sans doute par suite de la mort de son père, Claude de Coursan figure sur la liste de convocation du ban et arrière‑ban, mais il ne fait aucun service, exempt qu’il est par son âge ; il n’a que douze ans 1.

Louis‑François était mort loin de Coursan, car son cœur, rapporté dans ce village, fut inhumé le 20 aoùt 1676, dans

1 Annuaire de l’Aube, 1855, p. 14


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la chapelle Notre‑Dame, près de la sépulture de son père. Que devint ensuite la famille de Bruillart ? 1 Eut‑elle des revers de fortune qui l’obligèrent à vendre la baronnie de Coursan ?

On peut le croire, car, en l’année 1685, Coursan, Racines et la moitié du fief des Eglans appartenaient au sieur Georges Péri-goire, joaillier de la Couronne et bourgeois de Paris 2, qui,

paraît‑il, ouvrait facilement sa bourse aux grands seigneurs et achetait certainement leurs domaines à bon compte lorsqu’ils ne pouvaient le payer.

La fortune, néanmoins, eut pour lui des rigueurs, car, en 1706, sa terre de Chacenay fut saisie et vendue au plus offrant 3.

A cette époque, la baronnie de Coursan ne lui appartenait déjà plus. Nous savons, en effet, que le 42 mars 1700 Jean Thévenin, Maître des Requêtes, dans son contrat de mariage avec demoiselle Louise de Jassaud, fille de Jean de Jassaud, prenait le titre de Marquis de Coursan 4.

La famille de Jassaud, originaire du Languedoc, était alors

établie à Paris ; elle portait pour armes : d’azur au croissant d’argent, au chef cousu de gueules chargé de trois étoiles d’or.

Jean Thévenin mourut en 1710, le 10 janvier. Il laissait deux filles, l’une mariée au président de Villandreau, et l’autre, morte en 1738, femme de Charles‑Estienne de Jassaud, seigneur de Vaupereux, Thiers, etc., chevalier de l’Ordre du Saint‑Esprit de Montpellier, son oncle à la mode de Bretagne.

En 1749, Charles‑Estienne de Jassaud et sa fille, Anne-

1 Selon l’Annuaire d’Ervy, année 1866, p. 65, et le Trésor de chrono‑
logie
de M, le comte de Mas Latrie, P. 1428, le dernier représentant de cette maison, Mgr Philibert de Bruillart, évêque démissionnaire de Grenoble et chanoine de Saint‑Denis, mourut à l’âge de 95 ans, le 15 décembre 1860.

2 En 1636 ce même Périgoire fut, par arrêt du Parlement de Dijon, déclaré possesseur de la terre et baronnie de Chacenay, le marquis de Prévéranges lui ayant transporté une créance de 36,000 liv. qu’il avait sur cette terre.
L’abbé Lalore : Les sires et les barons de Chacenay, p. 161, n° 365.
3 lbid., p. 164.
4 La Chesnaye‑Des Bois, t. VIII, p. 202 et 203.


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Charlotte‑Marie, furent parrain et marraine de la grosse cloche de Coursan. Comme ils habitaient alors à Paris. ils se firent représenter à cette cérémonie par M. Pierre Rambourgt, bourgeois et procureur fiscal au dit Coursan et par sa fille demoiselle Agathe Rambourgt 1.

Anne‑Charlotte‑Marie de Jassaud fut mariée sous le Régime dotal en avril 1769, à Pierre‑Louis, comte d’Erlark, maréchal des camps et armées du Roi, commandant général de la com-pagnie des Suisses et Grisons, mort à Paris en novembre 1788.

Le domaine de Mme d’Erlack, à Coursan, se composait,
en 1783, de :

5 arpents d’enclos ;
215 arpents de terre;

26 arpents 50 perches de prés ;
6 arpents de vignes ;

75 arpents de bois ;

Un moulin et un château 2.

Le 29 brumaire an VI, la citoyenne Jassaud, veuve Derlack, cy‑devant de Coursan plaidait avec la municipalité de Coursan, alors compris clans le district d’Ervy 3.

En 1819, le domaine de Coursan avait un nouveau posses-seur, M. le baron de Mengin‑Fondragon, qui était alors maire de la commune. Enfin, cette propriété fut achetée en 1827
par M. Rambourgt, et elle est encore aujourd’hui en la pos-session de ses descendants.

Les actes de la paroisse de Coursan renferment des docu-ments sur plusieurs maisons très honorablement connues et, entre autres, sur la famille Rambourgt, que l’on trouve établie dès la fin du XVIe siècle dans ce village, où elle remplissait les plus hautes charges de la baronnie. Cette même famille a donné au pays : le maréchal de camp Gabriel‑Pierre‑Patrice

1 Actes de la paroisse de Coursan.
2 Arch. départ. de l’Aube. C. 2150:
3 Ibid., E. 227.


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Rambourgt, baron de l’Empire; le vicomte Amant Rambourgt, député de l’Aube sous le second Empire; M. Arsène Rambourgt, ancien inspecteur des forêts, et maire de Coursan, mort le 1er août 1878 et inhumé dans le cimetière de ce village ; et enfin, M. Eugène Rambourgt, le sympathique député de l’ar-rondissement de Troyes.

Parmi ces actes, il en est un qui nous a particulièrement intéressé. Il relate le mariage de M. Jacques Babeau, avocat
en parlement, veuf en premières noces de Jeanne‑Louise Lévêque, demeurant à Troyes, paroisse Sainte‑Madeleine,
avec demoiselle Marie‑Jeanne Rambourgt, fille de feu Pierre Rambourgt, vivant bourgeois, et de demoiselle Marie‑Anne Lenfumé, de la paroisse de Coursan. Cette cérémonie fut célébrée le dernier jour de novembre 1762, en présence de
M. Gabriel‑Patrice Lenfumé, conseiller du roi, subdélégué à l’intendance de la généralité de Paris, demeurant à Saint-Florentin, oncle de la mariée ; Pierre‑Patrice Rambourgt, licencié en lois et François Rambourgt, frères de la mariée ; Denis‑Augustin Lenfumé, seigneur de Chast; Vincent Babeau, demeurant aux Riceys‑Bas, frère du mari, etc… M. Jacques Babeau n’est autre que l’aïeul de notre éminent collègue à la Société Académique de l’Aube, M. Albert Babeau, chevalier
de la Légion d’Honneur, membre correspondant de l’Institut.

III. ‑ Le Château de Coursan.

Assise sur le versant d’un coteau, dans un repli de terrain, la forteresse de Coursan était entourée de larges et profonds fossés alimentés par une source aux eaux abondantes et claires, sortant de terre tout près de ces fossés. D’après
le dessin que nous donnons en tête de cette notice, le château proprement dit se composait d’un bâtiment en avant-corps, de forme carrée, percé de deux ouvertures cintrées, l’une large et haute pour l’entrée des voitures et des cavaliers, l’autre plus étroite et plus basse pour le passage des


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piétons ; ces deux portes étaient pourvues de herses et de ponts‑levis. Au‑dessus de ce passage était un premier étage surmonté d’un toit élevé. Deux tourelles rondes flanquaient ce bâtiment, près duquel se trouvait, à gauche en entrant,
un grand corps de logis a deux étages, ayant une tour ronde à chacun de ses angles extérieurs, et s’étendant jusqu’à l’autre grande construction qui, placée en retour d’équerre, occupait en partie le fond de la cour ; venaient ensuite d’autres bâtiments de moindre importance fermant la cour, au carré. Deux tours rondes, faisant pendant à celles du grand corps de logis, étaient placées aux angles formés par ces cons-tructions. En avant des fossés se trouvait un vaste terrain entouré de murs, surnommé la basse‑cour.

Au milieu de ces murs, en face de l’entrée du château, était un bâtiment surmonté d’un étage, sous lequel s’ouvraient deux portes : l’une pour les voitures, l’autre pour les gens à pied ; tout prés de là, à l’intérieur des murs, était une autre maison, nommée en 1587 la maison des Mulatz 1 ; puis un colombier, de grandes étables tout d’un seul rang et fermant cette lasse‑cour d’un côté, sur une longueur d’environ trente-huit toises. Quelques‑unes de ces écuries étaient voûtées ; toutes étaient bâties en pierres, et le haut des murs était surmonté d’un entablement en pierres de taille, sur lequel reposait la couverture. Les autres bâtiments consistaient en quatre vieilles granges, étables à bœufs, pressoir, four banal, etc. . ., le tout couvert en tuiles. De l’autre côté des fossés se trouvaient les jardins et parterres, contenant environ quatre arpents et désignés sous le nom de vieil jardin, grand jardin, jardin neuf. L’emplacement de cette basse‑cour et les terres avoisinantes avaient été rachetés, au XVIe siècle, par Gabriel de Bruillart, de plusieurs personnes roturières, qui les tenaient en censives de la seigneurie de Coursan. Peut‑être ces biens avaient‑ils été aliénés, à la suite d’un siège désastreux?

1 Arch. départ. de l’Aube, E. 227.


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La forteresse de Coursan, par sa position stratégique, était un poste important ; aussi, les comtes de Champagne l’avaient-ils classée au nombre des châteaux rendables et jurables à grande et à petite force, c’est‑à‑dire qu’en temps de guerre
ils pouvaient la faire occuper par leurs chevaliers et avaient le droit d’exiger le serment de fidélité des habitants du lieu et des vassaulx nobles qui relevaient de cette forteresse.

En 1433 d’après M. Boutiot 1, l’armée bourguignonne, en sortant du siège d’Ervy (il ne dura que quatre ou cinq jours seulement, les habitants étant entrés en composition), vint mettre le siège devant le château‑fort de Coursan, où elle, demeura huit jours. Le château fut battu par l’artillerie et
pris de force ; toute la garnison, composée de 60 à 80 hommes de guerre, fut faite prisonnière.

Pendant les troubles de la Ligue. en janvier 1593, le châ-teau de Coursan était occupé par les troupes royales 2.

La vieille forteresse féodale fut démolie en 1780 par
M. d’Erlack, qui fit construire le château actuel sur l’empla-cement de la basse‑cour. On peut encore reconnaître faci-lement l’endroit où s’élevait l’ancienne demeure des barons de Coursan, car les fossés qui l’entouraient n’ont pas été comblés.

Les Archives départementales de l’Aube possèdent deux inventaires du mobilier que renfermait le château de Coursan, en 1482 et en 1566 3.

Le premier de ces inventaires a été publié dans la Revue des Sociétés savantes 4, d’après une copie faite par M. Alphonse Roserot, alors archiviste‑adjoint. Il y est parlé « de la
« chambre où gisait le deffunct » ; de la chambre haulte au-dessus ; de la chambre haulte dessus la porte, appelée la

1 Histoire de Troyes, 11, p. 580.
2 Etat des garnisons en Champagne dressé pour être présenté au Roi.
Bibl. nat. f. fr. 4.560, f° 94‑95.
3 E., 227.
4 7è série, t. III, 1881, p. 253‑269.


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chambre rouge ; d’une autre chambre haulte attenante ; de la salle au‑dessus du pont ; de la tour de la prison ; de la chambre basse entre la chambre du deffunct et la cuisine ; de la vinée, etc…

L’autre inventaire a été dressé lors de la mort de M. Gabriel de Bruillart. En voici une brève analyse ; elle donnera au lecteur un aperçu de ce qu’était, en 1566, l’ameublement d’un baron campagnard.

Dans la chambre à coucher du défunt, il y avait : une
table en noyer avec deux tréteaux et un banc de poirier,
deux chaires à dossier en bois de poirier et noyer, quatre escabelles en même bois, « ung grand chaislit 1 de bois de chaisne à quatre pilliers ronds, faict de trappan 2 entre deux molures, garny d’enfonsure ». Sur ce chaislit se trouvaient deux toyes, deux draps de toile avec le cuissin 3, deux couvertures de catheloine blanche, et au‑dessus, « un
« ciel de trippes de velours 4, tanture figurée à façon
« de damars , ensemble trois riddeaux de viez grosse
« sarge. » Venaient ensuite un autre chaislit, plus petit que le précédent, avec un cuissin et un lit pesant ensemble trente livres de plume, et un ciel de trippes de velours figuré comme celui du grand chaislit 5. Il y avait encore dans cette
chambre un dressoir de bois de poirier et alisier 6 à quatre piliers ronds et carrés, « avec trois trappans d’ouvrage »,
et sur ce dressoir se trouvaient : « un tappy de drap verd de
« la longueur de cinq quartiers ; une gaisne à grands cous-

1 Chaalict, chaliz, bois de lit.
2 Planches.
3 Traversin.
4 Ou moquette. Velours fabriqué en Flandre, dont les poils, étaient de laine et le fond de chanvre.
5 II est à remarquer que, suivant une habitude constante, chaque chambre de maître contient deux lits, un grand et un petit. Le petit lit servait ordinai-rement de lit de repos ou de canapé.
6 Pommier sauvage.


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« teaux en laquelle c’est trouvé cinq grands cousteaux ».
Sur le même meuble, on voyait aussi : « ung callenard 1 de
« bois de fayte 2, garni de plumes, canivet 3 et jectons 4».
Près de là était « une perche à percher les oiseaulx » ; un sac de cuir de mouton; un petit coffre de bois de chêne ferré d’une petite serrure fermant par dedans ; une petite cassette de bois couverte de « bazenne » ferrée de fer‑blanc ; une
« petite chaire 5 basse à se assouere au feu, appelée commu-nément une caquetouère » et un petit tabouret en bois de poirier et de noyer, à piliers tournés. Dans la cheminée :
« deux chenets de fer de la haulteur d’un pied et demi ; une pelle de fer ensemble les tenailles ». Aux pieds du grand chaislit « a esté trouvé ung couffre bahu 6 de la longueur de
« quatre pieds, fermant à deux serrures », et aux pieds du petit chaislit, « deux couffres bahus de semblable longueur « fermant à une serrure ».

Dans une autre chambre basse, « au bout de devant le corps de la maison, attenant à la chambre cy‑dessus, appelée. la garde‑robbe », on a trouvé : une table de bois de chêne, avec un banc de bois de poirier; une escabelle de même bois ; un buffet en bois de chêne et poirier, ayant un tiroir, et au-dessus un guichet fermant à clef. Sur ce buffet était « une table à jouer aux dames », en bois de noyer. II y avait, en outre, « ung grand chaislit de bois de chaisne et poirier enfonssé de trappans, faict, à dossier de bois et deux bor- dures », et, sur ce chaislit, « ung lit garni de toylle et cuisin, pesant quarente livres de plumes ; une couverture de
« tiretaine blanche, deux draps de toile d’estouppes et ung

1 Calamar. – Ecritoire.
2 Hêtre.
3 Canif.
4 Jetons servant à compter.
5 Chaise.
6 Coffre couvert de cuir destiné 3 être porté en voyage sur le dos d’une bête de somme.


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« ciel de grosse sarge drappée tanture violette et bleue,
garny de franges de sayette 1 de semblable couleur, le comble de dessus de grosse toile noire. Un autre chaislit, placé dans la même pièce, était surmonté d’un ciel «de, grosse sarge
« drappée de jaulne et blanc, garny ­de frange de sayette de
« semblable couleur ». Au pied de la cheminée se trouvait
« ung berceau à quatre pilliers de bois de chaisne et poirier « enfonssé aussi de boys » , et dans la cheminée, « deux
« petits chenets de fonte­ d’ung pied et demi de hauteur; une
« pelle de fer, avec une paire de tenailles ». Non loin de là étaient : « une chaisre de boys de poirier, une paire de
« grandes armaires de bores de chaisne ferment à sept
« guichetz 2 de la longueur de dix pieds et de neuf de hau-teur, à cinq serrures, servant, les dites armaires, de garde- robbes. »

Dans la salle, on voyait : une table carrée de bois de poirier, « laquelle se tire à deux guichetz, garny, à l’embas-« sement dessous, de pilliers ronds et carrés avec trois
« dressouères; une chaisre de boys de poirier et noyer ; deux
« chenetz de fer garny chacun de deux pommes de cuyvre,
« l’une au bout d’en haut et l’autre au milieu, faict à
« godelons, avec une pelle et tenailles de fer de semblable
« façon et garnies de pommes de cuyvre. »

Une petite chambre placée entre la salle et la cuisine, et servant de garde‑manger, renfermait « une forme 3 n’ayant
« que trois pieds ; ung petit sallouer de boys de chaisne, ung « crochet de fer à six crochetons servant à pendre la viande. »

Dans la cuisine, il y avait : une table a servant à
« chappeler », une grande table à dresser, garnie de deux tréteaux et de deux formes ; deux chenets de fer de fonte
« de la haulteur de deux pieds », etc . . . ; « deux grandes

1 Etoffe de laine mélangée d’un peu de soie et employée pour garnir les meubles. Elle était fabriquée en Flandre, â Ypres, â Tournay, et autres villes.
2 Petites portes.
3 Escabeau ou tabouret de bois, nommé aussi fourme.


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« armaires de boys de chaisne fontées à drapperies, fermant
« deux guichetz », dans lesquelles il y avait une vaisselle d’étain, « pesant ensemble soixante et deux livres destaing
« prisé, chascune livre, 4 sous 6 deniers .»

Une tour attenante à la cuisine, et dans laquelle on faisait le pain, renfermait « une mect de boys de faytte ; un fer à
« faire gauffre », etc…

Dans la chambre haute placée sur la cuisine, il y avait une table de bois de poirier avec deux tréteaux, deux petits chenets de fer, quatre chaislits de poirier et chêne, « faicts à « pilliers couppez », avec leurs garnitures.

La première chambre haute placée sur le portail, à l’entrée du château, contenait : une table de poirier avec deux tréteaux et un banc en même bois ; « ung buffet servant de
« dressoir, à quatre pilliers ; ung chaislit à quatre pilliers
« ronds faicts à draperie », surmonté « d’un ciel de trippes de
« velours verd à façon de damas figuré, garny de franges de
« sayette verte avec le dessus semblable ; ung autre petit
« chaislit de couchette faict à drapperie, de bois de poirier
« ayant un­g ciel de trippes de velours verd damassé garny de

« franges, avec une custode de grosse serge drappée verte ».

Dans une autre chambre placée au‑dessus de la précédente, « du costel du corps de maison du ditchasteau : il y avait « une
« table, un banc, un buffet servant de dressoir, une chaire de
« bois de poirier « ung chaislit de bois de chaisne à quatre
« pilliers, faict en deux bordures de molures, etc… surmonté
« d’un ciel de trippes de velours bleu garny de franges de
« sayette bleue » . Près de ce lit se trouvait un autre petit chaislit portant également un ciel de velours bleu.

La chambre voisine était meublée d’une table avec son banc et ses tréteaux, d’une chaisre de bois de poirier, de deux « chaislicts » de bois de chêne et poirier à quatre pilliers, d’un bahu, de pelle et tenailles, etc…

Dans la cave se trouvaient 27 muids trantins pleins de vin et neuf demi‑muids ou queues aussi pleins de vin.

Au grenier, placé sur le corps de maison, il y avait : 15 se-


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tiers 1, de blé froment, et 20 setiers de blé méteil. En la salle
« d’enhaut de la maison » furent trouvés 37 setiers d’avoine
et 6 setiers de trémoys, et « sur les chambres haultes de
devant le de corps de maison », une quantité d’environ
6 setiers d’avoine, 15 setiers d’orbe et 6 bichets 2 de vosses.

Les étables renfermaient six chevaux, onze vaches et un taureau, quatre veaux, trente brebis et vingt‑cinq agneaux, deux porcs, un verrat, deux truies et trois petits cochons,plus une ânesse et deux petits ânons.

L’inventaire que nous venons d’analyser ne mentionne aucun objet d’art ; il n’y est nullement question de tapisseries, de tableaux, de bijoux, d’armes et de chevaux de luxe.

En résumé, le mobilier du château de Coursan, au moment du décès de Gabriel de Bruillart, était assez pauvre et on le
prendrait plutôt pour celui d’un riche fermier que pour celui d’un haut baron. II est bon d’ajouter qu’à l’époque où vivait
ce seigneur, le pays était sans cesse traversé par des bandes armées ravageant les campagnes et pillant tout ce qui leur tombait sous la main. On peut donc être certain qu’en
homme bien avisé il avait mis en sûreté, soit à Paris, soit dans une autre gosse ville, ses meubles précieux, ne laissant
à Coursan que les objets les plus indispensables et des moins susceptibles de tenter la cupidité des coureurs de grands chemins.

Troyes, le 26 Janvier 1893.

1 Le setier contenait 16 boisseaux d’environ 18 litres 62 centilitres.
2 Le bichet contenait deux boisseaux.

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